Le Souffle-Voix, un yoga du son qui libère l’énergie et structure ?
Par Benjamin Grenard, le 11/04/2020
Mis au point par Serge Wilfart (1941-2019), ténor d’opéra, le Souffle-Voix est une pratique visant à trouver l’authenticité de sa voix et de son chant, autant qu’une discipline énergétique puissante. Exploration de l’être par la voix, recherche du son fondamental, cette approche libère l’énergie et structure. Loin de tout dogme ésotérique, le Souffle-Voix se veut essentiellement pratique. Il partage néanmoins quelques similitudes avec le yoga du son.
La pratique du chant libère les émotions. C’est un constat bien connu des professeurs de chant. Pourtant, ces derniers sont loin d’être tous aptes à accueillir cette dimension. Car cette libération n’est souvent que la première étape dans l’exploration des profondeurs et renvoie souvent l’enseignant à ses propres failles et à sa vulnérabilité. Or, celui-ci privilégie davantage l’esthétique, voire la performance. Il ne conçoit la libération de l’émotionnel que comme une manifestation périphérique sur le chemin artistique de son élève. Il a tendance à pécher par excès de contrôle en vue d’un résultat.
Beaucoup de pratiques énergétiques prennent cela à contre-pied. Le son devient un moyen de libérer la personne de tensions et d’approfondir la respiration. La vibration sonore est également une manière de ramener au corps, de se sentir vivant, vibrant. Les critères esthétiques n’ont pas cours. Pour autant, peu d’enseignants de ces disciplines sont réellement formés à l’utilisation du son et pas davantage à celle de la voix. Sous prétexte de libérer des tensions, on utilise la voix de manière inappropriée. Parce qu’on ouvre les vannes, on s’imagine lâcher-prise, mais en réalité, cela relève plus du laisser-aller : on touche éventuellement une masse sonore énergétique mais rien ne se structure.
Le Souffle-Voix – appelée parfois Pneumaphonie – réconcilie les exigences d’un travail précis respectant la matière vocale et celles de l’exploration et de la libération de l’être. La diversité de son public parle en tant que tel : on y retrouve des néophytes de la voix comme des chanteurs, des thérapeutes comme des débutants dans l’exploration de soi.
C’est que le large spectre avec lequel le Souffle-Voix travaille est à même d’étonner ou de bouleverser chacun. Certains touchent une conscience du corps, du souffle et de la voix dans des profondeurs qu’ils n’ont jamais connues ; d’autres, des espaces au-delà de la pensée qui redéfinissent leur rapport au monde et à eux-mêmes. Pour beaucoup, des transformations s’établissent dans la vie quotidienne dont la « mue » vocale n’est qu’un des multiples aspects.
Ce travail en profondeur s’explique notamment par le fait que le Souffle-Voix partage un certain nombre de points communs avec le Yoga du Son, auquel il ne doit pourtant rien dans sa genèse.
La formule yéyiyouya, base du travail pneumaphonique, peut s’apparenter à un mantra. Elle est riche en harmoniques, permet de placer la voix selon une logique particulière, et lui permet de se développer dans toute sa richesse. L’aspect postural vise à laisser venir le souffle de ses profondeurs en libérant le corps de ses tensions. L’alignement entre l’esprit et le corps – la conscience intérieure et la densité de la matière – est une donnée essentielle de l’approche pneumaphonique.
Cela dit, le Souffle-Voix, à la différence du Yoga du Son, s’appuie sur toute l’expérience vocale occidentale, notamment lyrique. Il se distingue aussi du Yoga du Son par le fait qu’il se veut essentiellement pratique. Il n’est pas un enseignement ésotérique. On considère plutôt que, à elle seule, l’expérience du Souffle-Voix ramène à l’essentiel. Les profondeurs de l’expérience relèvent de l’intimité du pratiquant ; les interprétations qu’il en fait, qu’elle soient physiques ou éventuellement métaphysiques, appartiennent à sa perception.
Le Souffle-Voix se veut à la fois loin des certitudes et plutôt pragmatique. Tout est remis en cause perpétuellement et pourtant, à prendre du recul, le travail se structure et mûrit bien selon une direction.
Car, s’il est bien une seule certitude dans cette approche, c’est que la voix que la nature nous a donnée, le chemin que la vie a prévu pour nous dans son dessein secret, sont à l’image du monde : plus étonnant que ce que nous eussions pu imaginer.
Ceux qui ont vécu l’exploration intérieure savent qu’elle connaît ses affres. Ce n’est parfois qu’avec la sagesse du temps que tel épisode de notre vie passée nous apparaît dans sa parfaite nécessité. Déchiffrer le sens du présent ne s’avère pas seulement une tentative vaine, mais aussi un triste appauvrissement de l’insondable richesse qui soutient le vivant.
A vouloir aller dans une direction, l’infinie sagesse de la vie nous entraîne à l’opposé. Le Souffle-Voix, dans son ultime dimension, invite plutôt à abandonner, déposer les armes. Il s’agit non d’une résignation, ni même d’une acceptation, mais plus profondément encore, de notre consentement. Un mot qui réhabilite le « sentir avec » soi, avec son corps, et qui engage l’être au-delà de la seule compréhension souvent mentale.
L’union du corps et de l’esprit, vocation de tout yoga, ne peut se faire qu’avec le concours des forces du vivant lesquelles, par essence, nous dépassent. Telle est en tout cas la recherche du Souffle-Voix.