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Témoignage sur le Souffle-Voix

souffle voix benjamin grenard
Par Benjamin Grenard, le 03/10/2015

Les grandes voix ne sont pas l’exclusivité du chant lyrique. La chanson française en compte un certain nombre, reconnaissables par leur signature vocale unique. Ici, comme ailleurs, les grandes voix s’appuient sur une note fondamentale et sur une matière brute que l’on va travailler. Illustrations avec l’incontournable Jacques Brel et, plus récemment, avec Allain Leprest.

Si le chant lyrique exige souvent, par son écriture, une voix particulièrement construite à même de répondre à toutes les nécessités artistiques, la chanson française, moins difficile techniquement, n’en demande pas moins une grande voix. Telle était, quoi qu’il en soit, la voix d’un certain nombre d’artistes de la chanson française.Jacques Brel in TV-programma Domino *21 maart 1962

La poétique déclamatoire et musicale de Jacques Brel est servie par une voix bien construite, d’une belle unité, définie autour d’une identité vocale et d’un grave défini. L’art vocal de Jacques Brel s’appuie sur l’identité de la voix parlée, dont le chant est un prolongement naturel. Mais là où la plupart d’entre nous parlerions avec une voix parlée tout à fait fabriquée, celle de Jacques Brel est relativement saine dans sa couleur.

Pour ceux qui auront l’occasion d’écouter ses entretiens, une certaine nervosité et un débit souvent trop rapide trahissent parfois un manque de calme respiratoire. Mais Brel redevient maître du temps et de son souffle, quand il s’appuie sur une respiration proprement musicale. Il devient alors ce maître de l’art déclamatoire, où la voix prend toute son ampleur, tout son grain, s’écoulant dans un débit parfaitement maîtrisé. On retrouvera dans ce document, tout l’art de Jacques Brel, jouant sur la déclamation du texte pour lui donner tout son éclat.

Plus près de nous, Allain Leprest, admirateur du « Grand Jacques », fascine aussi par sa présence scénique. La voix est ici plus rugueuse, d’un grave plus profond, lui conférant une imposante présence. Dans ce grain sonore, on perçoit davantage la pierre brute, qui donne une intensité remarquable à cette interprétation hallucinée de C’est peut-être. Indéniablement, Allain Leprest a une grande voix, d’une signature inimitable ; son engagement à couper le souffle, sa voix employée jusque dans ses limites est à l’image de cet écorché vif pour qui « la chanson est quelque chose qui se dit, se hurle, se crie un peu comme la mer ». Il se situe dans la filiation de la chanson française autant par son matériau vocal, que par son style, proche de la voix parlée, d’une grande déclamation, laissant de côté la justesse exacte au profit d’une vérité de diseur. La voix est cependant, ici, moins sainement construite que celle de son éminent prédécesseur.

L’art témoigne parfois de choix esthétiques qui relèvent de l’exploration expressive. Dans le cadre de la pneumaphonie, on sollicitera toujours la pierre brute de l’élève, en passant parfois par ses éclats, en révélant l’harmonie cachée derrière ces sons à vif. Malgré cette plongée dans la matière brute, la pneumaphonie reste cependant, dans la lignée du compagnonnage : le pneumaphoniste fait œuvre de construction, dans la grande lignée des bâtisseurs, à la recherche de l’harmonie. Elle reste une discipline au fondement solaire qui va puiser dans l’obscurité de la matière pour réconcilier l’ombre et la lumière afin, pour reprendre la formule de Saint-John Perse, de« faire jaillir l’étincelle du divin dans le silex humain ». Toute exploration dans les zones en dehors, a priori, de l’harmonie, se fait avec une conscience scrupuleuse, celle qui permet de révéler l’or dans la boue apparente.